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La radicalisation violente de type islamiste

La radicalisation islamiste est l’une des formes contemporaines de la violence politique. Comprendre un tel phénomène et les ressorts de son développement en Belgique, c’est une démarche indispensable pour lutter efficacement contre celui-ci.

Loin d’excuser ou de relativiser des comportements violents, il s’agit de disposer de quelques balises pour situer le problème et identifier le registre adéquat pour y répondre, en citoyen éclairé. Que ce soit sous l’étiquette d’Al Qaïda ou de l’Organisation de l’Etat Islamique, l’implication de Belges dans des actes terroristes en Europe et dans la commission d’atrocités sur les théâtres des conflits syrien et irakien est liée au prosélytisme de courants islamistes radicaux dans nos quartiers.

L’islamisme c’est une vision politique de l’islam. Il s’agit d’une doctrine politique qui cherche à fonder un Etat et une société conforme à la doctrine et à la loi religieuses. L’islamisme n’est pas forcément violent et est composé d’une multitude de groupes. Si le développement conceptuel de l’islamisme se fait dès les années 1930, les différentes tendances de cette mouvance n’ont commencé à s’imposer plus ou moins massivement au sein des sociétés musulmanes qu’au milieu des années 1970.

Le djihadisme contemporain est une alliance ou une hybridation entre un courant particulier des Frères musulmans légitimant l’action politique violente et un courant particulier du salafisme, le salafisme révolutionnaire, qui reprend ce projet politique et lui associe une vision religieuse binaire et puritaine.

L’une de ces tendances ce sont les Frères musulmans fondés en 1928 en Egypte. A cette époque, l’Egypte est occupée par les Britanniques. Par ailleurs, le Califat a été aboli (en 1924) suite au démantelement de l’Empire Ottoman à l’issue de la Première Guerre Mondiale. A l’origine, les Frères musulmans veulent réinstaurer le Califat, à savoir l'autorité d'un calife (en arabe : خليفة), successeur du Prophète dans l'exercice du pouvoir politique. Dans ce contexte, le leader des Frères, Hassan Al-Bannâ, propose un projet de réforme globale qui affirme ses ambitions dans tous les domaines de la vie. Le mouvement des Frères musulmans sera férocement réprimé par le régime du président Nasser. L’un de ses leaders, Sayyid Qutb est emprisonné et torturé. Il va alors radicaliser la pensée des Frères musulmans et prôner l’action politique violente et immédiate afin de conquérir le pouvoir. A partir de ce moment-là, le mouvement va se diviser entre ceux qui restent fidèles au message d’origine d’Hassan Al-Bannâ qui réprouve la violence et celle (minoritaire) qui la légitime.

Une autre tendance de l’islamisme est représentée par le salafisme. Le salafisme s’oppose aux Frères musulmans car il les accuse de trop moderniser l’islam. Le terme « Salaf » désigne les pieux prédécesseurs, à savoir les trois premières générations de musulmans incarnant en quelque sorte l’âge d’or de l’islam. Pour les salafistes, la décadence des sociétés musulmanes n’est pas seulement liée à des crises politiques ou économiques mais au fait que les musulmans auraient trahi le message coranique originel. Pour surmonter l’état de décadence, il faut donc selon les salafistes revenir aux sources et à l’exemple des trois premières générations. Le premier penseur musulman à avoir formalisé cette idée fut Ibn Hanbal (780-855) dans une période où l’empire musulman est divisé entre plusieurs camps. Puis elle fut reprise par Ibn Taymiyya (1263-1328) alors que sa région subissait les invasions mongoles. Enfin, elle fut reprise au 18ème siècle par Ibn Abdel Wahhab (1720-1792) lorsque l’Empire ottoman commence à s’affaiblir devant les puissances européennes. Ibn Abdel Wahhab sera à l’origine de l’alliance avec le clan des Saoud, alliance qui donnera lieu à la création de l’Arabie Saoudite. Le wahhabisme est donc la doctrine officielle de l’Arabie Saoudite et une reformulation contemporaine du salafisme. Ce retour aux sources ou, pour le dire autrement, cette imitation se fait sur la base d’une lecture littéraliste des versets coraniques et de la tradition prophétique. Le salafisme entend purifier la pratique religieuse des innovations et des superstitions qui auraient compromis l’islam des origines et s’oppose aux différentes écoles juridiques du sunnisme accusées de diviser les musulmans. Cette compréhension littérale des textes s’accompagne souvent d’une forme d’intransigeance à l’égard d’autres courants de l’islam comme le soufisme ou le chiisme, considérés comme déviants.

Le salafisme également est loin d’être monolithique. Il existe trois grandes tendances. La première, majoritaire, est dite quiétiste et se concentre sur des activités comme la prière et la prédication. Ce salafisme ne s’occupe pas de politique. La deuxième tendance est dite politique et la politique y est vue comme un moyen moderne de propager le message coranique mais par des moyens légaux (manifestations, associations, pétitions, etc.). Aucun de ces deux courants ne légitime la violence. Enfin, la troisième tendance, minoritaire, est dite révolutionnaire et prône la lutte armée.

Nulle organisation politique armée située en Irak ou en Syrie ne pourrait entraîner l’engagement dans ses rangs de jeunes Belges qui n’ont aucun lien familial, culturel ou social avec elle sans que le terrain idéologique n’ait été préparé par des courants politico-religieux actifs chez nous ou accessibles sur internet. Et effectivement, que ce soient les Frères musulmans ou les salafistes, ces deux courants vont se diffuser en Europe à partir des années 1970 par le biais de prédicateurs mais aussi de livres.

Le djihadisme contemporain c’est donc une alliance ou une hybridation entre un courant particulier des Frères musulmans légitimant l’action politique violente et un courant particulier du salafisme, le salafisme révolutionnaire qui reprend ce projet politique et lui associe une vision religieuse binaire et puritaine.

Il est important de comprendre qu’une telle alliance rompt avec l’islam tel qu’il est majoritairement vécu et pratiqué en Belgique. Rappelons que les musulmans vivant en Belgique participent pleinement à la vie politique et sociale de ce pays. D’ailleurs, les mouvements radicaux violents islamistes délégitiment toute autre forme d’autorité en dénigrant les croyances des parents et, plus largement, celles des premières générations d’immigrés musulmans et des cadres du secteur associatif musulman classique. En Belgique, cette idéologie politico-religieuse a pris la forme de Sharia4Belgium ou des Restos du Tawhid de Jean-Louis Denis, dit « Le Soumis ».