La religion musulmane en Belgique

Les chiffres de la population musulmane en Belgique sont établis sur base de plusieurs critères : le nombre de personnes issues d’un pays où l’islam est la religion majoritaire ayant migré en Belgique et ayant toujours la nationalité de ce pays, ceux devenus Belges, leurs descendants ainsi que les convertis. Il faut donc garder en mémoire plusieurs limites. La première c’est que les pays où l’islam est la religion majoritaire comme le Maroc et la Turquie comptaient d’importantes minorités religieuses non musulmanes (chrétiens et juifs) mais également des populations dont le lien avec l’islam est (si pas contesté) discuté (parfois par les membres de ces minorités eux-mêmes) comme les alévis. La deuxième limite relève d’un réflexe courant qui consiste à considérer que toute personne d’origine turque ou marocaine est forcément musulmane. Or, l’appartenance à une religion relève autant dans le cas de l’islam de la transmission parentale que du libre arbitre. Certaines personnes d’origine turque et marocaine refusent donc vigoureusement d’être identifiées comme « musulmanes ».

Enfin, il existe aussi une pluralité des appartenances au sein des musulmans. Ainsi, certaines personnes en garderont une vague référence culturelle alors que d’autres seront pratiquantes. Et au sein même des pratiquants, il existe au moins 3 profils : ceux qui ne pratiquent pas du tout ou très peu (ils sont minoritaires, environ 10%), ceux qui pratiquent beaucoup et ceux qui « bricolent » (qui sont majoritaires) à savoir ceux qui adaptent leurs pratiques à leurs rythmes de vie et conceptions du religieux et qui, par exemple, font le ramadan mais ne prient pas, etc.

L’hétérogénéité de la communauté musulmane belge doit par ailleurs faire l’objet de développements. Le premier clivage est ethnique. Ainsi, on estime que la présence musulmane en Belgique est issue à 80-90% de l’immigration massive de main d’œuvre effectuée par les autorités belges dans les années 1960. En effet, à  l’issue de la Deuxième Guerre Mondiale, la Belgique a besoin de main d’œuvre. Or, l’accident dans les mines du Bois du Cazier en 1956, qui fait 262 victimes principalement italiennes, met un terme à l’envoi par l’Italie de ses travailleurs. La Belgique est alors à la recherche de nouveaux partenaires et signe une convention bilatérale avec le Maroc et la Turquie en 1964.

Les autres groupes ethniques composant la population musulmane belge sont les convertis dont le nombre est impossible à estimer, les Albanais dont la présence de certaines familles remonte aux années 1920 et, enfin, d’autres groupes maghrébins et africains. Depuis peu, cette hétérogénéité s’amplifie encore avec l’arrivée récente de personnes d’origine pakistanaise, syrienne et irakienne, notamment. Le second clivage est religieux : il oppose les chiites (très minoritaires) aux sunnites. Mais même au sein du sunnisme, il existe des différences puisque 4 écoles juridiques sont présentes et recoupent partiellement le clivage ethnique, à savoir les doctrines hanéfite (Turquie), malikite (Maghreb), chaféite (Pays du Golfe) et hanbalite (Arabie Saoudite). Enfin, le troisième clivage est générationnel : de nombreux jeunes musulmans pratiquent de manière différente que leurs parents.

Lorsque la crise économique éclate en 1974 avec le choc pétrolier et que l’Europe ferme ses frontières en mettant fin aux conventions bilatérales de main d’œuvre, le projet migratoire pensé comme temporaire devient définitif. A ce moment-là, le besoin de transmission religieuse se fait ressentir. Le tissu associatif musulman belge est aujourd’hui très riche : aux mosquées et aux associations islamiques (services sociaux, scouts, etc.) et culturelles se sont ajoutées des associations artistiques (designers, troupes de théâtre, etc.), d’administration du culte (Exécutif des musulmans de Belgique, etc.), d’entrepreneuriat et de lutte contre les discriminations.